L’Arrêt de bus – par Giuseppe Cicozzetti
« L’arrêt de bus », série d’une grande délicatesse de la photographe française Adrienne Arth, aurait plu à George Brassens. Dans « les passantes » (en italien nous avons une magnifique version de Fabrizio de André) l’auteur français décrit, à travers un splendide hommage poétique, une humanité juste aperçue, – non qu’elle ne serait pas digne d’être caractérisée-, sur laquelle faufiler histoires, souvenirs, suggestions. Tout le monde a une histoire semble nous dire Brassens, et il ne nous suffit pas d’avoir bons yeux et bonne imagination pour lire entre les plis de chaque vie. Passants, qui laissent trainées de vie. Dans la série d’Adrienne Arth, les passants se sont arrêtés. Nous les voyons attendre à l’abri d’un auvent l’arrivée d’un bus qui les emmène dans un endroit que nous ne connaissons pas et ne connaîtrons jamais. Pour nous, comme pour Adrienne Arth, importe ce « moment »; et à ce moment-là, durant la durée de l’attente, les passants – momentanément rendu sédentaires – sont prêts pour une nouvelle lecture.
Sans le savoir, en dépit d’eux-mêmes. L’espace d’attente doit être rempli et donc chacun puise dans ses propres ressources. Comme il peut, comme il sait. Dans « L’ arrêt de bus », les sujets sont souvent figures solitaires, nous les voyons s’occupant avec des portables ou à la lecture d’un livre, d’un journal pour occuper le temps de la pause ; dans d’autres photographies nous voyons une passagère et minime pluralité de sujets qui ne semblent pas interagir ni, peut-être, ne le désirent. Tous sont sous un abri, dans une zone qui apparaît comme un « naufrage temporel » ainsi que Derrida définit l’épisode d’un temps non gouverné par l’homme et pendant lequel une singularité de sujets ne communique pas même si elle est, occasionnellement, appelée à partager le même but.
Les sujets partagent plutôt le point de vue du photographe : placé derrière le verre de l’arrêt de bus, ils apparaissent à nos yeux comme s’ils étaient séparés par une membrane et déplacés ailleurs, presque pour sceller l’existence temporaire d’une activité de l’homme voué à une courte solitude. L’effet est réussi. La métaphore est complète. « L’ arrêt de bus », dans son ensemble visuel translucide, a un autre mérite, qui réside, comme je le disais au début, dans la délicatesse du ton choisi pour la narration, un style qui se reflète dans tout le travail de la photographe : La délicatesse ou, si vous préférez, la pudeur avec laquelle ces personnages sont livrés à notre curiosité. Ils ne sont jamais vus, très souvent nous ne pouvons qu’en deviner les contours et ils nous apparaissent donc dans une solitude chargée d’expectative. C’est dans cette expectative, cette attente, créée par Adrienne Arth, que nous nous repentons de détourner un intérêt qui va au-delà de la simple (et j’ajouterais stérile) connaissance de leurs traits définis. Ebauches, signes, silhouettes traversées par une lumière métallique, non naturelle mais existante. Ils sont tous nous, et c’est pourquoi la généralité du thème est confiée à la plasticité corrodée des formes. Après tout, la solitude n’est pas « un ensemble de moments où l’on est en compagnie de soi-même », comme l’a écrit Kundera, ajoutant, que nous sommes souvent impréparés à son apparition même sous l’auvent d’un abri de bus.
Giuseppe Cicozzetti
Sans le savoir, en dépit d’eux-mêmes. L’espace d’attente doit être rempli et donc chacun puise dans ses propres ressources. Comme il peut, comme il sait. Dans « L’ arrêt de bus », les sujets sont souvent figures solitaires, nous les voyons s’occupant avec des portables ou à la lecture d’un livre, d’un journal pour occuper le temps de la pause ; dans d’autres photographies nous voyons une passagère et minime pluralité de sujets qui ne semblent pas interagir ni, peut-être, ne le désirent. Tous sont sous un abri, dans une zone qui apparaît comme un « naufrage temporel » ainsi que Derrida définit l’épisode d’un temps non gouverné par l’homme et pendant lequel une singularité de sujets ne communique pas même si elle est, occasionnellement, appelée à partager le même but.
Les sujets partagent plutôt le point de vue du photographe : placé derrière le verre de l’arrêt de bus, ils apparaissent à nos yeux comme s’ils étaient séparés par une membrane et déplacés ailleurs, presque pour sceller l’existence temporaire d’une activité de l’homme voué à une courte solitude. L’effet est réussi. La métaphore est complète. « L’ arrêt de bus », dans son ensemble visuel translucide, a un autre mérite, qui réside, comme je le disais au début, dans la délicatesse du ton choisi pour la narration, un style qui se reflète dans tout le travail de la photographe : La délicatesse ou, si vous préférez, la pudeur avec laquelle ces personnages sont livrés à notre curiosité. Ils ne sont jamais vus, très souvent nous ne pouvons qu’en deviner les contours et ils nous apparaissent donc dans une solitude chargée d’expectative. C’est dans cette expectative, cette attente, créée par Adrienne Arth, que nous nous repentons de détourner un intérêt qui va au-delà de la simple (et j’ajouterais stérile) connaissance de leurs traits définis. Ebauches, signes, silhouettes traversées par une lumière métallique, non naturelle mais existante. Ils sont tous nous, et c’est pourquoi la généralité du thème est confiée à la plasticité corrodée des formes. Après tout, la solitude n’est pas « un ensemble de moments où l’on est en compagnie de soi-même », comme l’a écrit Kundera, ajoutant, que nous sommes souvent impréparés à son apparition même sous l’auvent d’un abri de bus.
Giuseppe Cicozzetti
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Ph. Adrienne arth